Après 1 heure de route dans les monts arides de l’ouest du Nevada, juste avant l’entrée en Californie, les poissons s’arrêtent un instant. Ils se tartinent prudemment de crème solaire, parce que ces grands malades s’apprêtent à renoncer au bénéfice de la plus géniale invention du 20ème siècle : la climatisation. Et les voilà qui sous un soleil de plomb, roulent sans toi à toutes blindes sur les routes désertes et rectilignes, vieux morceaux de rock à fond.
American Road Trip Baby. Entre les montagnes arides, la décapotable et Mick Jagger qui chante Jumping Jack Flash à la radio, Duncan vit une réminiscence d’un certain film de Terry Guilliam, et demande à Vieto s’il a pensé à l’éther. Vieto répond qu’il a la tête dans le cul.
Après 2h30 de route, l’entrée du Death Valley National Park. Un panneau averti : Danger extreme Heat ! Et il n’est pas là juste pour faire joli. Mais avant de plonger au cœur de l’Enfer, les poissons se disent qu’il serait avisé de s’intéresser au point de vue de Dante. Littéralement.
Et le panorama est effectivement dantesque. Après une courte montée depuis le plateau extérieur vers un sommet affichant 1700m d’altitude, la fournaise apparait d’un coup. Sortant de leur décapotable, les poissons sont ébahis, et ce n’est pas la dernière fois de la journée. Juste en bas de la pente rocailleuse aride et nue, 1780m plus bas pour être exact, se trouve l’éblouissant bassin blanc et salé de Badwater, point le plus bas du continent américain. Dans la chaine de montagne avoisinante, Telescope Peak culmine à 3,392m.
Pays d’extrêmes.
Une fois remis du choc de la découverte d’un tel panorama, poisson Duncan est choqué par l’environnement sonore, c'est-à-dire le néant absolu, rien, silence. La voiture, refroidissant, cliquette encore occasionnellement, et le vent du Pacifique, encore perceptible à cette altitude et salant la peau, souffle par moment. La chaleur est déjà intense, mais les poissons ne se doutent pas que les 1700m d’altitude les protègent encore de l’haleine de feu de la vallée.
Pourtant, après avoir été faire un petit tour sur les promontoires rocailleux environnants, ils décident (sagement) de passer en mode recapotage et air climatisé. Après cet aperçu d’une partie assez franchement extra terrestre de la terre, redescente vers le Twenty Mules Team Canyon (poisson Duncan en profite pour remercier J-C Montanier) un désert de collines jaunes percés de mines de bore par endroit. Bienvenue dans la vallée de la mort, AKA hell on earth. La piste de terre et de poussière est déserte, et quand les poissons s’arrêtent, la chaleur est tout simplement inhumaine, et la luminosité du paysage à la limite de l’insupportable.
Mais bon, on ne va pas sur Mars tout les jours, alors Duncan, à la grande désolation de Vieto, se lance dans une recherche improvisé d’installations minières, et trouve à flanc d’un de ces gros tas de terre friables (on peut creuser la montagne à la main, on dirait qu’elle est faite de sable compressé) une galerie profonde d’une centaine de mètres, parfaitement rectiligne, avec des embranchements sombres. Deux sorties extravéhiculaires sous le soleil de midi et 3 litres d’eau plus tard, les poissons conviennent qu’il faudra être économe de ces petites aventures dans le désert, la chaleur étant réellement dangereuse, le moindre pas est un effort démesuré, et la tête tourne vite.
Il est temps maintenant de se mettre à la recherche des quelques traces de civilisation humaines de la vallée et du village de Furnace creek, parce que croyez en poisson Duncan, vous ne voulez pas tomber en panne d’essence ici. Quel bonheur de trouver au ranch du coin une salle climatisée, une limonade maison et une salade au poulet. Les poissons se demandent s’ils trouveront le courage de retourner affronter le vent brulant de l’après-midi. Cela relèverait presque du masochisme, car en passant par le centre d’information pour les touristes, le thermomètre, à l’ombre du bâtiment, affiche un joli 52°. Celsius ! A l’ombre ! Dans la documentation que les poissons récupèrent, il est dit qu’en plein soleil, la température des rochers monte jusqu’à 90°C. Vu comme on se crame les doigts juste en ouvrant la porte de se voiture, la mesure semble cohérente.
Puisque le thème de la journée est « aller faire les cons dans le désert », autant aller voir des dunes. Elles sont sensées être au nord de Furnace Creek. Duncan se demande comment dans ce désert de pierres et de sel, il peut y avoir des dunes. Et bien il y en a. Et des grosses. Genre Sahara. Hautes, claires, avec un panache blanc de sable soufflé par le vent, tout y est. L’étendue est vaste, et bien sur Duncan ne peut pas résister à l’envie de s’y aventurer, pendant que Vieto reste au frais. C’est là qu’une idée germe. Ce désert, il est artificiel ! Tout ce que vous pouvez imaginer trouver dans un désert y est : dunes de sable fin, canyons colorée, champs de pierres tranchantes, lacs salé. Il a été monté de toutes pièces pour les touristes que nous sommes, cet ensemble isolé de dunes de quelques kilomètres carrés le prouve ! Ils sont fort quand même ces américains.
Retour vers le sud, et le golden canyon. Mince défilé de roche dorée, entouré de falaises ciselées de 10 à 20m de haut, bien évidement uniquement praticable à pied. Vieto ne verra plus jamais un western de la même façon. Dans ce décor ou seul manque Clint Eastwood, le diable souffle à plein poumon. Le vent s’engouffre dans le canyon. Avez-vous déjà marché avec un sèche-cheveu réglé à pleine puissance devant le visage ? Essayez.
Next stop : les couleurs incroyables de l’ « artiste’s palette ». Après quelques kilomètres sur une piste annexe, les poissons découvrent pourquoi l’endroit a été ainsi baptisé : la montagne est turquoise, pourpre, mauve, orange jaune et noire. « wow ! » dit Vieto. Et l'appareil photo, qui avait vaillamment résisté à la température jusqu'ici décide que sa journée est terminée.
Le soleil commence à baisser, mais il fait toujours aussi chaud. Les poissons se retrouvent sur Ddevil’s Golf Course : une étendue de concrétions de sable et de terre parfois hautes d’une quarantaine de centimètres, recouvertes de sel. C’est très étrange d’admirer un champ labouré et gelé par 50°C en plein soleil. Pourtant, c’est l’image qui s’impose, il a givré dans la nuit.
Enfin, au soleil couchant ils parviennent au point le plus bas du continent Américain. (Vegas , une longue descente aux enfers ?) Badwater, -86m : une étendue plane de sel, un lac gelé qui crisse et craque sous les pas. Le niveau de la mer est indiqué par un panneau, bien plus haut, sur la falaise. Comme la chaleur, qui commence à peine à décroitre, ça attaque sévère, poisson Duncan ne se déplace plus qu’en mouvements de brasse indienne. Sous la couche de sel affleure à un endroit un peu d’eau, venant de la montagne proche. Dans cette flaque saturée de sel vivent, incroyable, quelques algues et de minuscules escargots.
Le soleil se cache derrière la montagne, il est temps de quitter cet endroit magique, en se promettant d’y revenir. Dans la fraîcheur du soir, (la température tombera presque à 31°C au plus frais du trajet, poisson Vieto demandera un pull) retour au mode décapotable, juste à temps pour pouvoir admirer dans la lueur des phares les dizaines de chauves-souris lors de leur chasse nocturne à la limite du désert californien. Le Nevada accueille les poissons avec un ciel étoilé magnifique, que le fait de ne pas avoir de toit met plutôt bien en valeur. Sin City est bientôt en vue, et brille de tous ses feux, le laser du Luxor est la balise des âmes perdues. Il est 23H, et les embouteillages sont toujours là. Le désert est déjà loin.
Longue journée.